mercredi 2 novembre 2011

Calvi, est-ce fini.. et dire que c'était mon presque dernier amour...

J'ai regardé avec effarement et une vive attention l'interview télévisée de Sarkipend. Et j'ai regardé avec le même effarement et la même attention la dernière édition de Mots Croisés. Qu'est-ce qu'il est arrivé à Yves Calvi? Et surtout, comment cela a-t-il pu arriver si vite?
Tous les jours à 17h30 et des poussières j'allume ma télévision et je me connecte à France5. J'apprécie à chaque fois sa liberté de ton, sa manière agile et vigoureuse d'animer ou de modérer le débat. Je jubile de le voir poser des questions qui me brûlent les lèvres et attisent mon coeur. Chaque fois j'éteins mon téléviseur à la fin de l'émission en me disant que certes, je vais regarder, si j'y arrive les nouvelles, mais qu'avec les éléments fournis pendant cette petite heure, je vais aller plus loin dans mes réflexions et parfois voir d'un jour nouveau telle ou telle actualité.
Bien que j'ai conscience d'un certain nombre d'éléments qui devraient m'amener à modérer ma déception, il n'en est pas moins que. Certes, les intervenants de C à dire sont souvent les mêmes. Certes, dans la majorité des cas, ils représentent les courants forts s'opposant autour d'une problématique mondiale. Certes aussi, je ne suis que ce que je suis, c'est à dire un individu socialement au chômage qui en raison des contraintes organisationnelles fortes de son existence ne fournit que le minimum d'effort citoyen lui permettant de savoir de quoi on parle à défaut de comprendre ce dont on parle. Bien sûr, je ne détiens que des bribes, celles qui sont majoritairement médiatisées, du débat citoyen et ce n'est que du haut de ces trois pommes là que je m'exprime. Bien sûr je sais aussi, et ai intégré, bien que je sois un pur produit de la marge intellectuelle et sociale de ma région économique et politique d'adoption, qu'il y a des enjeux de carrière, d'évolution personnelle et professionnelle qui sont propres à tout être humain animé d'un minimum d'ambition et je conçois donc fort bien que dans le cadre d'une carrière de journaliste politique et en tant que représentant de fortes dynamiques d'audimat, il soit d'excellent ton que d'être prié, en tant que quasi-représentant de l'opposition au sein des médias français, d'interviewer le chef de l'état. Je percute aussi très bien que l'animation d'une émission à fort audimat telle que Mots Croisés requière de son intervenant principal qu'il soit capable de représenter un consensus citoyen au minimum, partisan au mieux (s'il représente en effet, ne serait-ce que symboliquement l'opposition, CAD de nos jours en France, tristement, la possibilité simple d'un dialogue), il n'en reste pas moins que je tombe de haut.
Je me pose des questions simples. Pourquoi Pernod avait-il l'air de ce qu'il est alors que Calvi avait l'air tout autre? Pourquoi a-t-il accepté, ou même a-t-il voulu, servir de faire-valoir à cette mascarade? Pourquoi alors que grâce à la tivou justement nous avons pu bénéficier de nombreuses émissions décortiquant rétrospectivement la bienveillance des médias commerciaux sur les interventions télévisées de tous les présidents de la république française depuis que la télévision existe Yves Calvi a-t-il voulu "jouer le jeu"?
Je ne me pose pas la question comme une problématique politique, ou même philosophique, mais simplement humaine. A quoi sert-il de porter, autant que médiatiquement possible, l'étendard de la liberté de ton, pour aller ensuite se coller une cravate (en plus de la veste de costard de Mots Croisés), pour aller servir de maigre micro à la médiocrité de la méritocratie française? A quoi a servi Yves Calvi et tout ce qu'il représente de la volonté des bourgeois dont je fais partie de participer à la défense du progrès citoyen et social dans cette interview? Je vous en supplie, répondez-moi...
Plus triste encore pour moi et mes espoirs de maïeutique citoyenne et sociale, je sais, je me répète, le choix des intervenantes musulmanes et arabes pour l'édition de Mots Croisés consacrée aux élections tatounasiennes et aux déclarations donnant à croire au rétablissement de la Charia en Libye. Le tatounasien en moi ne pouvait y voir qu'une volonté de rabaissement des enjeux dans ces pays. Pire, que la volonté de donner à penser qu'on pense mal dans ces contrées, même lorsqu'on pense les libertés individuelles, la liberté d'expression parmi toutes et les droits de l'homme, a fait partie des critères prioritaires lorsqu'il a s'agit du choix des intervenants.
J'en ai été réduite à trouver Védrine et Longuet pertinents. Pourquoi choisir, une réalisatrice aux cheveux bleus et au look régressivement féministe et une vieille dame nostalgique des temps immémoriaux où la Tatounasie était sous tutelle, c'est à dire jusqu'au mois de janvier cette année? La FIDH en Tatounasie a fait à plus d'une occasion le jeu de Zizi lorsqu'il exportait son image de défenseur des droits de l'homme. Certes, elle l'a combattu, mais dans ses terres et selon des règles qui contredisent violemment l'idée qu'on peut se faire d'un débat utile. Et la diffusion d'ouvrages allant à l'encontre de la Charia et de l'identité musulmane au sens plus conciliant a même du temps de Zizi fait problème, alors pourquoi amener tout cela au coeur du débat concernant le soucis que se font les démocrates français sur la montée avérée des représentations identitaires musulmanes aux portes de la Méditerranée?
Pourquoi ne donner la parole qu'à un représentant officiel de la nouvelle tendance, Marzoumonkiki, à des ruines de l'ancien système et à une beur pour représenter la laïcité en Tatounasie? Pourquoi ne pas inviter à ce débat ceux qui les ont faites ces révolutions? Les jeunes opposants, ceux qui ont permis à Lord Ghagha de continuer à diffuser sa parole malgré son exil, malgré les tortures, les coups de massue, les différents emprisonnements et même les violences issues de son propre camp de continuer à vivre au point qu'ils représentent une planche de salut dans le coeur et le porte-monnaie des tatounasiens, ces jeunes musulmans n'étaient pas sur le plateau. Les théoriciens modernistes anglais ayant intellectuellement soutenu la campagne des soldats de Lord Ghagha n'étaient pas là et les autres, ceux qui ont "révolutionné" sans se revendiquer d'aucun courant, l'immense majorité, ceux qu'on appelle ici la société civile, ceux qui fabriquent des banderoles avec des mouchoirs, ceux qui tirent avec des baguettes de pain, ceux qui enregistrent avec leur nokia xxx1 le grondement de la foule, les débats de salon, les cris de cuisine, les brouhahas des enceintes académiques, les holas de facebook twitter et autre web 2.0 depuis 2010, ceux qui sans revendiquer ni identité politique, ni religieuse, tout juste humaine, ont brandi leurs individualités à bout de doigts l'hiver dernier n'étaient pas sur ce plateau non plus. Qu'ils soient homme, femme, voilée ou en mini-jupe, ouvrier ou médecin, laïc ou imam, modernistes ou conservateurs, ils ont tous fait ce qui n'était pas pensable. Ils ont réussi à le penser, dans leur coin, collectivement, doucement ou en hurlant. Ce sont eux qui pensent, et oui, ils pensent, qu'ils étudient ou enseignent dans les meilleures universités du monde ou qu'ils crèvent la faim dans des oasis polluées et agonisantes, qu'ils soignent des chevaux ou des bourgeoises, qu'ils dressent des monuments ou des chiens errants, qu'ils élèvent des enfants ou des poules, qu'ils boivent des Celtia ou de l'eau des égôuts, ils ont pensé. Alors s'il s'agissait de penser, comme on pourrait se l'imaginer dans le cadre d'une telle émission, collégialement, entre experts, citoyens et journalistes, les nouvelles dynamiques secouant le monde arabe, pourquoi n'a-t-on pas invité ceux qui pensent, et qui surtout ce sont organisés depuis janvier pour le faire, plutôt que de donner la parole à ceux qui ne pensent pas mais défendent... des idées et des visions qui ont été ratatinées par l'air du temps tatounasien?

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