mardi 3 février 2009

La beauté du diable

Certains matins de nouveaux cheveux blancs saluent mon âge qui passe et d'autres plus pénibles des sillons jusque là si discrets que j'en ignorais tout me semblent plus creux encore que mes cernes. C'est dire... Mais Aragon le dit tellement mieux.

"Jeunes gens le temps est devant vous comme un cheval échappé
Qui le saisit à la crinière entre ses genoux qui le dompte

N’entend désormais que le bruit des fers de la bête qu’il monte
Trop à ce combat nouveau pour songer au bout de l’équipée.

Jeunes gens le temps est devant vous comme un appétit précoce
Et l’on ne sait plus que choisir tant on se promet du festin

Et la nappe est si blanche qu’on a peur du vin
Et de l’atroce champ de bataille après le repas de noces.

Celui qui croit pouvoir mesurer le temps avec les saisons
Est un vieillard déjà qui ne sait regarder qu’en arrière

On se perd à ces changements comme la roue et la poussière
Le feuillage à chaque printemps revient nous cacher l’horizon

Que le temps devant vous jeunes gens est immense et qu’il est court
A quoi sert-il vraiment de dire une telle banalité

Ah prenez-le donc comme il vient comme un refrain jamais chanté
Comme un ciel que rien ne gêne une femme qui dit pour toujours

Enfance un beau soir vous avez poussé la porte du jardin
Du deuil voici que vous suivez le paraphe noir des arondes

Vous sentez dans vos bras tout à coup la dimension du monde
Et votre propre force et que tout est possible soudain."
Louis Aragon
Extrait de la beauté du diable

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