lundi 15 juin 2009

Bulfuckingarie ou le journal d'un passé en mouvement, chapitre 21


First time in Bulgaria?
Je reçois très souvent ces derniers temps des mails offusqués d’amis se plaignant d’avoir été désinscrits de ma mailing list bulgare. Je prends donc le soin de répondre de manière groupée à tout le monde à ce sujet et de vous donner quelques nouvelles. Non, non, non, je n’ai supprimé personne de ma mailing list! Comment pouvez-vous penser que je ferais une chose pareille alors que je vous ai fait subir un excès de nouvelles quasiment pendant un mois? En quel honneur vous punirais-je soudain? C’est fou le nombre de gens qui vivent selon un schéma sado-maso finalement... (sic). Donc non, je n’ai supprimé personne. En revanche, oui, je passe beaucoup moins souvent au cyber café. D’une part parce que mes problèmes d’ordinateur à l’école ont été réglés et que je dispose maintenant durant un nombre d’heures fixe par semaine de la possibilité d’utiliser un traitement de texte pour mes rapports et autres paperasses, d’autre part parce que je n’ai que peu de temps pour le faire finalement. Pourquoi peu de temps ? Bah.. trop de bulgares en Bulgarie. Trop de choses à faire à Varna. Je passe du temps seule, faut pas croire, mais ce temps j’en ai besoin. Pour réfléchir, noter, contempler (la mouette rieuse qui vient se poser sur le bord de mon balcon depuis le passage de N.), rêver en bulgare, faire des essais linguistiques devant mon miroir, chanter à tue-tête « Nasat, nasat » tirée du répertoire macédonien et dont la nostalgie me tue. Bref, du temps pour « ne rien faire ne Bulgarie ». le premier mois c’était une idée que je ne pouvais même pas envisager cela m’est absolument nécessaire. « Ne rien faire en Bulgarie », c’est aussi des promenades au bord de la mer, en longues séances de lectures dans les divers bistrots (chauffés) de Varna, des errances rêveuses sur les marchés ou des flâneries au pas de course (ben oui, quand on flâne et qu’on se les gèle) dans les rues du centre de Varna. N. vous le dira, Varna est une petite ville (officiellement 400'000 âmes, en vérité moitié plus et le triple en été). J’y croise régulièrement la vieille dame qui ramasse les fleurs pourries sur les marchés et essaie de les vendre dans des cafés. Elle a deviné au premier coup d’œil que je « croyais pas au même dieu qu’elle » et fait depuis moultes hypothèses sur mes origines ethniques. Elle est un peu folle et il faut tout lui dire plusieurs fois. Je croise également le type qui circule en patin à roulettes en se faisant trainer par un husky en laisse (il a tapé dans l’œil de N. puisqu’en plus d’être zinzin il a belle allure avec sa jaquette jaune), un autre type qui m’arrête à chaque fois et me parle longuement en bulgare bien que je lui affirme ne pas comprendre un mot de son charabia, toujours le même. Nous en sommes à la sixième édition de ce monologue qui me semble à chaque fois identique et qui raconte en gros que je ressemble à une présentatrice de la télévision câblée russe. Je crois aussi les moutras (hommes de main) venus, à cinq en Ranger Rover noire aux vitres fumées, de Sofia, pour déposer de l’argent ou des cadavres à la banque. J’ai même croisé alors que je me promenais bras dessus, bras dessous dans le jardin maritime avec N. un exhibitionniste dont la gueue malgré le froid, ressemblait à une trombe d’éléphant barissant ! Et puis il y a tous ceux que je ne croise pas, ou si peu. La majorité des habitants de Varna, qui habite hors du centre et en sort peu : des retraités qui (sur)vivent avec à peine trente euros par mois, des enfants qui ne voient la cathédrale, pourtant si jolie la nuit, qu’une fois par an lors d’une sortie scolaire. Les mères qui courent entre leur quartier et ceux dans lesquels elles travaillent, prenant soin de s’arrêter lors de chaque trajet à la maison pour voir si les enfants vont bien… Bon c’est vrai, je sors aussi et comme promis, je vous ai remplacés. Pas tous bien évidemment, ce n’est pas possible. Mais j’ai les expatriés du coin pour ne pas vous oublier : Madame Femme-oiseau pour les bonnes bouffes, Monsieur Mouetterieuse poru me souvenir que la gente masculine est irrécupérable, Mademoiselle Jairienadire pour être confrontée à l’insoutenable incommunicabilité des êtres et Monsieur Arracheorganevital pour m’aider à penser. L’Europe de l’Ouest est ainsi bien représentée, trop même parfois et je me roule dans la bulgarité avec plus de passion encore lorsque je la retrouve. Svetlana Svetlanovy dont certains d’entre vous ont découvert les histoires me casse un peu la tête parfois. C’est vrai qu’elle n’aime pas considérer « the bright side of life » et c’est vrai que c’est dur pour moi en Bulgarie de faire autrement et que du coup je coince quand elle me répète pour la 343,328 fois que l’avenir est sombre. C’est vrai aussi que je suis complètement zinzin dès que j’ai une bouteille d’eau de javel à la main et que cela peut sembler insultant pour les notions d’hygiène locales, mais je n’y peux rien.
Dans la famille de ma mère, ils sont accros à la Javel de mère en fille depuis des générations… Au final, nous parvenons la plupart du temps à nous en sortir avec le sourire, et c’est l’essentiel. Je vais aussi souvent assister à des vernissages et dois vous avouer tristement qu’aucun n’a eu l’heur de m’intéresser plus de deux secondes alors que les artistes eux me plongent dans une fascination intense à chaque fois.
Avec Maria, je travaille et puis surtout je fête régulièrement des évènements incontournables : son anniversaire, la réussite de son examen x, l’échec de son examen y, la faillite de son ancien patron, le retour du soleil, la fin proche de l’hiver, la perte d’une dent de lait de sa fille, la Saint Valentin, la fête de la première taille de la vigne (Trifonne Zarazan, mon nouveau petit nom. Vous pouvez sans autre m’appeler Trifonne ou Zarazan à présent… j’adore), la Sainte Martha bientôt etc. Tous les prétextes sont bons ici pour faire la fête et finalement c’est pas plus mal. Sauf pour le foie forcément ,mais je fais attention. Avec Pavel, son ami, je discute les mérites respectifs du lino et de la moquette, du orange ou du turquoise pour les murs de la chambre, d’un seuil en ciment ou en bois, de perceuses électriques et de contrebande. De ses expériences à la frontière sino-russe et des miennes ici. Je voyage quand il me raconte et il se rend compte que je voyage quand je lui parle. Son anglais s’améliore de jour en jour et mon bulgare lui aussi s’affirme un peu plus puisque je le parle vraiment avec Pavel.
Je voudrais aussi vous parler des Roussevi, les peintres Marina et Nikolaï, les seuls dont j’aime le travail jusqu’ici parmi ceux que j’ai rencontrés, de leur fille Darina, de leur ribambelle d’animaux et de leurs tableaux. De Vladimir le frère de Svetlana et de sa disponibilité, de Diana sa mère qui s’est mis en tête de me faire goûter les spécialités bulgares home made durant mon séjour, de Galia (enfin, des trois Galia-s que j’ai rencontrées), des enfants de Kapka, Itay et Yoanna qui font de l’escalade dans l’appartement voisin et se balancent de mur en mur alors qu’ils sont à peine hauts comme trois pommes. De leur beau-père, marin dont le regard clair est un des plus doux qu’il m’ait été donné de voir et un des plus respectueux aussi. Respectueux de ma différence, de celle de N., de toutes les différences qu’il croise au cours de ses expériences à bord de chalutiers bulgares ou étrangers. J’aimerais aussi vous faire connaître le patron de ma cantine, le restaurant qui à lui seul cumule les avantages de la propreté, de la proximité, de la qualité. Serguei son gérant met de la musique française à chaque fois que j’arrive chez lui et m’a copié ses trésors sur trois que j’écoute parfois des après-midi entières en boucle : « Viens, viens, c’est une prière viens, viens.. », Marie Laforet, cela vous rappelle quelque chose? Bon sang qui aurait cru que je chantonnerai ca un jour?????). Je pourrais aussi vous parler des jeunes filles qui travaillent au « denonocht magazine » (jouretnuit magazin), toujours souriantes, malgré les cargaisons de kiwis Tchernobyl qui encombrent parfois leur comptoir (pardon N.). Bref, encore une fois, c’est Vian et Brasseur qui me viennent à l’ esprit : tant de choz zavoir, zavoir zé à entendre...
N. était là comme vous avez du le comprendre. Elle sait de quoi je parle. Et surtout, surtout, elle a survécu. Bien sur elle a eu du bol et la tempête s’est arrêté l’avant-veille de son départ et a repris pas même une heure après son atterrissage à Sofia aujourd’hui, mais il faisait tout de même froid durant son séjour et il a neigeoté à plusieurs reprises. Je vous assure que la vue d’une égyptienne arpentant les rues de Varna un bonnet rouge sur la tête, un châle cairote autour des épaules et la langue tendue vers le ciel pour gouter les flocons est un spectacle qui vaut son pesant d’or bulgare. Vous voyez, elle n’est pas morte, elle est même ravie, repartie les valises pleines de delikatessen et le sourire aux lèvres. C’est la seule qui a jusqu’ici osé braver l’hiver bulgare et venir me rendre visite AVANT le retour du printemps. L’hiver bulgare le lui a bien rendu et a été clément avec elle: il neigeait certes, mais sous le soleil... Sa première fois en Bulgarie lui a tant plu qu’elle parlait déjà au bout du troisième jour de son prochain séjour.
J’arrête la ma propagande pro-Varna ... j’en ai surement déja trop fait. Voila en gros de quoi ma vie est faite. Je pourrais vous faire une liste de mots si vous le souhaitez. Sans les mettre ensemble. Sans les trier. Juste les aligner: bonheur, plaisir, froid, tempête, blanc, neige, Rakiya, Technicum (on a trouve un partenaire!), Balkans (un autre monde), Montenegro (les plus beaux hommes du monde), Istanbul (j’y vais en avril), mer (elle est bleue), kalkan (turbo bulgare, miam), château, monastère, Odessa (c’est en face), vins (dobel miam), Lada, Communisme (encore au moins 20 ans pour en diminuer sensiblement les effets), corruption, mort (des assassinats mafieux en série), accidents, verglas, ski, sécheresse, invasions mongoles (je lis tout ce que je trouve sur l’histoire de la région) il faut que j’arrête là cela pourrait durer des heures ce jeu. Et je n’ai pas envie de passer des heures au cyber. Je le ferai peut-être à la main, un jour ou j’aurais envie de ne « rien faire en Bulgarie ». Je pense bien à vous toutes et tous, prenez soin de vous comme un bulgare le ferait.
Zafrou

N.: tu me manques déjà, reviens, fais moche en Inglitira.
Diote: le maitre et marguerite, que j’ai emmené avec moi pour le lire a ensoleillé ma première quinzaine de février. Merci d’avoir voulu le partager avec moi. Je me félicite de l’avoir économisé. Je viens de le prêter a M. Arracheorganevital.
Samuel: j’ai reçu ton mail, je suis navrée de voir que ta tête est une telle prise de tête. Je te réponds mieux bientôt
Aza: sois gentille avec ta mère
Ouis: N. et moi nous demandions si tu serais encore au Yemen en Septembre
Mamie: j’espère que te voila rassurée
Brie: j’ai reçu ta lettre et le potlatch de Yia, je réfléchis à la possible surenchère
Rafu: merci
Bama: attrape un bon bouquin les soirs ou mes récits te manquent vraiment trop cruellement. Tiens au hasard « le maitre et marguerite » de Boulgakov. Tu verras c est succulent et des tonnes de niveaux au-dessus du mien
Herve: on joue a perdu de vue?
Tous les autres: roulage de pelles virtuelles

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