vendredi 15 février 2008

Bulfuckingarie ou le journal d'un passé en mouvement, chapitre 5


Holy Carp
Tous ceux qui ont lu "A Bunch of Friends" l'année dernière vont s’en souvenir: The Carp Killer. Les cent mots de Noël écrits par Patricia et illustrés par Fatma. Et oui Packa, c’est à mon touor de faire connaissance avec les joies de la carpe de décembre. Pour commencer nous sommes allées au marché avec Maria hier et surprise elle semblait s’y connaître encore moins que moi. Elle m’a dit avoir besoin d’un poisson dont la bouche était comme ceci : enfoncez le bout de vos doigts dans vos joues jusqu’à ce qu’elles se touchent de l’intérieur, sans peau et de moins de trois kilos. Belle bête me suis-je dit sans avoir aucune idée de ce dont elle me parlait. Elle a ajouté qu’elle avait des instructions très précises de son conjoint qui préparera la carpe pour ce soir. Elle n’a pas intérêt à ce gourer si elle ne veut pas être vilipendée pendant les douze prochains mois, avant la prochaine carpe. J’ai mis quelques minutes à faire le lien avec ton histoire Packa et en en faisant un + un, le nom de la carpe en bulgare + tes carpes annuelles, j’ai plus ou moins identifié ce dont elle me parlait et j’ai crié CARP KILLER !!!!
Maria n’y connaissait rien en poisson, elle comptait sur moi pour choisir la bête au marché. Celui-ci est tout petit et entre chaque étalage il y a à peine la place de passer. Tout le linge que je portais hier est passé directement au pressing, ou l’eau a été entre temps rétablie, merci pour vos prières, mais j’ai encore l’impression de sentir le poisson. Bref, j’ai compris une fois sur place que ce qu’elle voulait dire par, sans peau, c’était sans les écailles, donc déjà nettoyée. Nous avons acheté une carpe de deux kilos six cent grammes pour quatre euros et je pourrais vous en dire plus sur le résultat dès ce soir. J’ai un peu peur je l’avoue, Nelly, notre voisine juive séfarade mariée à un ashkénaze m’ayant durant toute mon enfance à plusieurs reprises raconté à quel point ce n’était pas bon… nous verrons. Le conjoint de Maria avait paraît-il beaucoup insisté pour que la carpe soit vivante au moment de l’achat quitte à ce qu’elle meurt en route. J’ai vraiment beaucoup pensé à toi Packa. Nous avons donc fait le reste de nos courses en trimballant avec nous la bête tressautant et suffoquant dans un sac en plastique bon marché pouvant craquer à tout moment. Je me suis fait tout le long du chemin des minis films dans lesquels j’étais toujours la débile qui courait après une carpe tentant d’une flaque d’eau à une autre de rejoindre la plus proche rivière. Dans l’éventualité que la carpe ai trouvé entre hier soir et aujourd’hui le moyen de s’échapper du frigo j’ai acheté moultes gâteaux et bouteilles des Chardonay bulgare, délicieux par ailleurs. En fait la saint Nicolas est ici une fête officieuse et familiale. Officieuse car ce n’est pas un jour férié (bien que presque tous les commerces soient fermés aujourd’hui). Après ces achats très matinaux (j’ai été réveillée par la cloche qui sonnait les premiers cours à 8h – je n’ose pas imaginer le résultat de six mois de sonneries scolaires huit fois par jour sur mon psychisme fragile. J’ai eu ma première réunion avec Bouyana la directrice de l’école à propos du projet. J’ai potassé ces trois derniers jours à ce sujet et j’ai découvert à mon grand effroi que si les précédentes tentatives du réseau avaient été rejetées, c’est qu’en fait à chaque fois le projet était totalement hors sujet. En effet, l’objectif de ces subventions est de motiver les écoles de pays non membres à améliorer le niveau de leur enseignement, de leurs structures scolaires et de leurs méthodes. Ceci en respectant des critères tels que : égalité homme femme, prise en considération des personnes vulnérables etc. Il s’agit donc d’agir sur la forme, la méthode etc. et non pas de démontrer les capacités des étudiants et enseignants dans leurs domaines de travail. Or jusqu’ici chaque projet qui a été présenté était une démonstration des connaissances pouvant être acquises dans le cadre du cursus offert par le réseau d’école. En gros, des projets de construction au lieu de projet par exemple de formation continue ou d’encouragement à l’employabilité des étudiants. Complètement à côté de la plaque. Il a fallu trois heures de discussion avec la directrice pour qu’elle comprenne qu’ils étaient hors sujet. Ensuite nous avons mis à plat les conditions d’éligibilité des projets, les conditions, critères, réglementation internes etc. Puis j’ai demandé à ce qu’une équipe de travail comprenant enseignants, élèves, membres de l’administration et interlocuteurs d’orientation soit crée. Que n’avais-je pas dit. Aussitôt dit aussitôt fait et Bouyana a donné des instructions pour qu’une partie des enseignants et du staff nous rejoignent. C’était déjà compliqué à trois (Bouyana, Maria et moi-même), je vous laisse imaginer ce que ça a donné quand une pédagogue, le professeur de littérature, le professeur d’allemand, une autre professeur d’anglais, l’ingénieur en construction, la responsable informatique, et la responsable du département linguistique ont débarqué. Tout le monde s’est mis à parler en même temps, en bulgare et plus moyen de comprendre quoique ce soit. Je me suis retenue plusieurs fois de siffler pour rétablir l’ordre et si je ne l’ai pas fait c’est faute de savoir siffler avec les deux doigts dans la bouche, sans cela je n’aurais pas résisté à la tentation. Il nous a fallu une autre heure entière pour décider d’une prochaine réunion et deux autres bonnes heures pour parvenir à leur faire comprendre que nous devions A TOUR DE RÔLE (non Bouyana pas toujours la même personne) prendre des notes de manière à ce que ceux qui ratent les séances pour s’informer, communiquer aux étudiants les objectifs du projet pour que des candidatures volontaires nous soient adressées. Je vous passe les détails mais en gros, je me suis rendue compte aujourd’hui de l’ampleur de la tache dans laquelle je me suis engagée. En fait ils comptent VRAIMENT sur moi pour être acceptés cette année et le délai est fixé au 14 février. Court pour trouver une idée de projet qui répondent aux six objectifs majeurs, 3 priorités annuelles (elles changent d une année à l’autre, qui fixe la thématique je l’ignore) et aux huit critères d’éligibilité. C’est vraiment from scratch, comme j’aime (ah je vous entends rire les anciens chabawanes d’AXt). Franchement, je ne SAIS PAS si je vais y arriver... je suis saisie d’un doute énorme. D’autant que pas moyen de leur faire comprendre aujourd’hui (mais je ne désespère pas d’y arriver) qu’en soit la philosophie qui semble être celle du projet est non pas de parvenir à un résultat (5000 euros pour financer des échanges d’enseignants dans le cadre de la formation continue) mais bien de faire évoluer les méthodes utilisées par l’école vers des standards ouest européens. Ca va être coton, ça va être coton ça va être coton. Pensez que le soucis principal de la direction pour l’instant est de savoir ce qu’il faut mettre exactement sur l’étiquette sur la porte de mon bureau (pour l’instant il y a écrit "femme de ménage"). C’était tellement folklo que j’ai hésité à le raconter. Je me sens frustrée de ne pas réussir à décrire mieux que cela la complexité du truc. Pas le projet, mais de parvenir à faire travailler tous ces gens ensemble, en gardant bien toutes les contraintes en tête et blablabla. D’autant que tous ces enseignants qui sont payés cent cinquante leva par mois (divisé par deux pour les euros) devront faire des heures supplémentaires non rémunérées et n’avaient pas franchement l’air super enthousiaste. Ma suggestion de ne prendre dans l’équipe que les volontaires vu la masse et la nécessité donc d’être très motivés et restée lettre morte. J’ai bien l’impression que c’est d’un lavage de cerveau dont il s’agit en fait. Il faut que je trouve un moyen rapide de faire comprendre aux autres membres de l’équipe la manière de voir les choses chez nous là-bas ou les mots organisation, suivi, qualité, transparence essaient de faire carrière depuis longtemps déjà (parfois sans succès mais soit…). Suite au prochain épisode en ce qui concerne le projet.
A part tout cela, j’ai perdu ma joue droite et mon menton tout à l’heure. En effet le vent s’est levé et il me les arraché. Faut pas déconner avec le vent ici, il faisait doux ce matin et tout à coup, l’air est devenu polaire. Dans le bus tout le monde a sa toque en fourrure sur la tête et dans la rue plus moyen de voir un seul voyage. Le vent et la saint Nicolas ont transformé Varna en ville fantôme… j’appréhende pas mal le week-end car le chauffage central, grand, grand luxe, sera coupé et ils ont annoncé des températures allant jusqu’à moins huit dimanche. Je ne suis vraiment pas assez bien équipé y’a pas à dire. Si je m’étais concentrée un peu plus sur vos avertissements plutôt que de me dire que « mais voyons y’a une plage à Varna et c’est à la même latitude que Nice », je n’en serais pas là. Dieu merci apparemment les grands froids comme celui-ci ne sont que passagers et cela n’empêche pas le soleil de briller. Les autres réjouissances prévues ce week-end sont une sortie avec M. Arracheorganevital qui m’emmène voir un défilé de mode (non Alex, ça ne veut pas dire qu’il fait de la traite des blanches) et par la même occasion rencontrer une journaliste bulgare travaillant dans un journal local et totalement pessimiste concernant l’avenir de son pays. Selon M. Arracheorganevital je pourrais vu mon enthousiasme parvenir à lui faire admettre qu’il y a d’autres manières que la sienne de voir les choses et qu’il y a plein de belles choses positives en Bulgarie (tu vois Alex, il est plein de bonnes intentions, ce n’est pas parce qu'il
est belge qu’il est pédophile). Nous irons ensuite tester un pub qu’il vient de découvrir et qui a la particularité d’être dans un cave (en fait pas mal de commerces sont situés dans des caves à Varna, c’est moins cher et plus discret... une sorte de marché noir). Puis dimanche soir, Maria m’emmènera dans un café ou ils jouent de la musique live et accrochez-vous, du HEAVY METAL. Je sais, je sais, moi-même je n’y crois pas... quand je pense aux efforts que vous étiez obligés de déployer pour m’emmener à une soirée jungle (enfin à la belle époque ou nous allions à des soirées jungle, hein clarisse) je souris. Je ne manquerai pas de vous dire ce qu’il en était. En attendant j’ai finalement réussi a m’entendre avec les gens du cyber café pour qu’ils me laissent branche mon appareil numérique sur une de leurs bécanes et voici en pièce jointe le résultat. Juste pour vous prouver que je ne mens pas quand je dis que les chiens sont patchés. Sinon, j’ai un vrai coup de cœur pour le type qui s’occupe du réseau d’ordinateurs ici. Il ne sourit jamais, il grogne quand on lui parle, il ne me regarde jamais dans les yeux... mais qu’est ce qu’il est mignon. Il s’appelle Ratchko. Ce n’est pas lui qui me l’a dit c’est sa collègue. Je dois maintenant filer pour rejoindre Maria et sa petite famille, je pense bien à vous et vous embrasse.
Zafrou
Jean-marc> merci, c’est un chouette résumé. Faut que je développe maintenant...
mais tu ne dis rien des inconvénients de l union européenne.. y a pas un Christian Blocher qui sommeille en l’un de vous?
Joke> c’est quoi cette histoire de garçonnière et de déménagements? je voudrais plus de details.
Sfoujida> aujourd’hui bonnet rouge salutaire!
maman> si tu fais reply, t’inquiètes pas tu ne réponds qu’a moi.
Alex> dis-donc, ça me semble effectivement limité si tu n’as à Dubaï comme distraction possible que le jogging, je comprends que tu sois pressé que cela soit fini.
Ouis> désolée j ai déjà engage une femme de ménage, le job est donc
pris ;-)
Dar> oui, c’est vrai pour les roses, ils font des parfums, des huiles essentielles et elles sont magnifiques dans les marches...
Luc> c'est pas bientôt fini d’être désagréable? je sais bien moi que t’as bien plus d’une heure à tuer par jour.

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